La vieillarde ne répond aux inepties de Ghanima que par des sourires rassurants. En toute une vie, elle a dû en croiser des allumés dans son genre. Des fous à sa porte lui promettant monts et merveilles en échange de sa fidélité. Tu n’as jamais entendu parler du culte du couteau dans les rues de Kand’har, mais ce nom ne te dit rien qui vaille surtout si celui-ci a un rapport avec la créature ni-morte, ni-vivante, rencontrée au pied de la dune.
Elle a prétendu être déjà venue ici, en ville, prêcher pour sa paroisse. Quel genre d’accueil on réserve à ces gens par ici? Le pré-tournois était ouvert à tous, même aux prisonniers, il ne pourra pas te servir d’exemple. Quoi qu’il en soit, tu n’as pas envie que cette vieille femme soit méler à ces histoires. Tu n’es pas venu pour l'importuner. En réalité, les raisons de votre visite se sont perdues. Ghanima n’a sans doute pas besoin de son aide, ni de la tienne. Même si ses blessures attisent ton empathie, tu ne peux plus les dissocier d’un infâme sortilège pour s’attirer la sympathie d'autrui et piéger les plus fragiles.
« Oh non, je vous en prie, restez. Nul besoin de vous presser… »
C’est donc ça, tu es la cible qu’elle a décidé d’endoctriner. Tout fait bien plus de sens à présent et tu ne peux t'empêcher de te sentir honteux d’avoir cru qu’elle était réellement en détresse. Pas assez pour promettre de ne plus jamais porter secours à une inconnue en sang, mais assez pour la l’abandonner à l’entrée de la ville.
« Non. Gardez les pâtisseries. » Tu rétorques, en contradiction avec les demandes de Ghanima.
Tu te redresses comme tu le peux, vite confronté au plafond. Il n’est pas question qu’elle reste ici et il n’est pas non plus question que tu ailles rencontrer le reste de ses comparses.
« Je passerai de nouveau demain avec du miel. Aller, debout. » Tu fais signe à la plus jeune de sortir.
La cage du faucon dans ta main, tu la suis à l’extérieur, là où elle désire te mener d’après ses dires. Vers tes soeurs. Mais au lieu de ça, tu attends que la grand-mère vous referme sa porte pour prendre le chemin inverse à celui que vous avez fait pour venir jusqu’ici. Qu’elle aille donc rejoindre son groupe. Ils prendront soin d’elle mieux que toi.
Les aurevoirs sont laissés en suspens. Tu n’as plus envie de lui faire face où d’écouter à nouveau ses serments. Ta foi ne se trouve pas dans un couteau ou dans une philosophie suicidaire. Ses tourbillons et ses apocalypses ne feront jamais sens à tes yeux, pas plus que le lien qu’elle s’est entêté à créer entre vous. Tu ne sais pas ce qui peut pousser les gens à suivre des dogmes aussi insensés de divinités intangibles, invisibles, aux paroles rapportées par de simples hommes et femmes de chair et de sang. Si la peur ne la retient pas, qu’elle vit en dehors de toute contrainte, pourquoi essaie-t-elle tant bien que mal de s’entourer? De faire partager ses idées? Qu’aurait-elle de plus à y gagner si ce n’est de l’influence et de la crédibilité?
Tu peux remercier la cour de Nagarath de t’avoir beaucoup appris de ces méthodes…
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